Liliane Assouline ne correspond pas à l’image qu’on se fait du pionnier du sionisme. Noueux, hâlé par le soleil brûlant, la mâchoire carrée et le regard perdu dans le vague paysage du désert refleuri. Liliane est plutôt du style large sourire engageant, gaîté communicative et coeur sur la main. Et pourtant… Liliane est une pionnière de l’Alyah. Une vraie. Montée en Israël à l’époque de la guerre du Liban – la vraie, la première – cette fan d’Alyah.fr nous retrace le chemin qui l’a menée de l’agglomération Lyonnaise au fauteuil de conseillère du Misrad HaKlita. Un parcours inspirant pour les nouvelles générations d’Olim.
Née avec l’envie de faire l’Alyah
Quelles raisons vous ont poussées à faire l’alyah ?
Je suis née avec l‘envie de faire l’Alyah.
Mes parents ont quitté le Maroc en 1962 et avaient pris l’habitude de venir tous les 2 / 3 ans en Israël pour les vacances. Sachant que partir en Israël était à l’époque assez difficile, à 25 ans, je me suis dit, c’est maintenant ou jamais !
J’ai fait mon alyah mue par l’amour d’Israël. C’était une démarche tout à fait logique, vu que l’attachement à ce pays fait partie de ce que mes parents m’ont inculqué depuis toujours.
Paradoxalement, d’autres membres de ma famille – résolument sionistes, membres actifs de la communauté juive de France et des mouvements de jeunesse pro Israël – n’ont pas franchi le cap de l’Alyah. Beaucoup sont restés et ont continué leur vie en France. Je ne désespère pas de les voir arriver un jour en Israël. S’ils ne viennent pas pour eux, leurs enfants les pousseront peut être au départ.
Venue par choix en Israël
Le contexte de votre alyah ? Quand avez vous décidé de partir de Lyon ?
J’ai d’abord terminé mes études à l’université en France. J’avais préparé le terrain d’un départ pour Israël en choisissant des études d’hébreu et d’anglais.
J’ai été professeur dans la communauté juive de Lyon, au talmud torah, avec le rabbin Mamane zl. Il était important pour moi de participer à l’éducation des jeunes juifs Lyonnais.
Une fois arrivée en Israël, j’ai poursuivi dans cette voie. J’ai poursuivi ma carrière de professeur de langues en Israël. J’ai enseigné, entres autres, le français à des jeunes étudiants israéliens.
Quoiqu’il en soit, je suis venue par choix en Israël, non sous la contrainte. J’aime toujours la France, la ville de Lyon… J’y ai vécu une enfance heureuse, une belle adolescence… Nous partions régulièrement en vacances en Israël, au ski, dans le sud de la France…
L’antisémitisme a-t-il à voir avec votre départ de France ?
On a un peu subi l’antisémitisme à l’école mais ce n’est pas ce qui a provoqué mon départ
Je me souviens, d’une anecdote assez significative de l’ambiance qui régnait alors. Au CM2, tous les étrangers étaient assis au fond de la classe. Moi, la juive d’origine marocaine, y compris. Les professeurs voulaient nous envoyer dans des filières professionnelles. A croire qu’ils faisaient tout pour nous décourager d’avoir le bac !
J’ai non seulement passé mon baccalauréat en France. Mais j’ai également terminé un DEUG de lettres modernes. En arrivant en Israël, j’ai poursuivi avec une licence, maîtrise et j’ai enchaîne sur un doctorat. Je leur ai donné tort.

Dans quelles conditions avez vous fait votre alyah dans les années 80 ?
J’ai fait mon alyah en Octobre 1985. Quand j’ai préparé mon dossier d’alyah, j’ai lu qu’il fallait passer un « test psychométrique ». J’imaginais ça comme une simple formalité d’autant qu’on nous avait distribué une petite brochure faisant état de 2 questions dans différents domaines. J’arrive pour passer le « test » à Paris. Et la, le choc de ma vie : 4 épreuves – Mathématique, Logique, Culture générale, Anglais – des centaines de questions à compléter en un temps restreint. C’était tellement différent de ce qu’on m’avait dit ! Voilà dans quelles conditions j’ai fait mon alyah (rires).
Pour la petite histoire, sauvée par l’anglais et la culture générale, j’ai quand même été acceptée à l’université de Bar Ilan en Education et Sociologie.

L’oulpan d’été à Jérusalem lors de la guerre du Liban
Votre arrivée en Israël s’est elle mieux passée ?
Je me suis installée sur le campus de l’université de Bar Ilan dans le cadre de mon Alyah.
Ayant anticipé ma probable montée en Israël , j’étais venue à Jérusalem suivre l’oulpan d’été à Jérusalem …pendant la 1ere guerre du Liban. J’avais étudié l’hébreu à l’université. Mais pas l’hébreu dont j’avais besoin pour l’université !
A Bar Ilan, 40 heures de cours hebdomadaires m’attendaient, toutes en hébreu. J’en pleurais en rentrant dans ma petite chambre universitaire le soir. Mais cela ne m’a pas empêché de réussir mes études.

Ne pas trainer avec les francophones m’a aidé à m’intégrer
Qu’est ce qui vous a aidé à réussir vos études en Israël, justement ?
Ce qui m’a aidé, c’est que je ne traînais pas avec les francophones de l’université. Je travaillais avec les israéliens. On s’était réparti le travail : Je m’occupais de la bibliographie. Eux, des résumés de cours.
J’ai ensuite bifurqué vers les études de français. Je désirais enseigner le français en Israël, devenir prof.
Le département de lettres modernes de l’université était un vrai cocon à l’époque ! Les profs nous invitaient le chabat…. c’était la maison. Il y avait une entraide, un état d’esprit fantastique.

A l’époque, on ne recevait pas de Sal Klita. L’état d’Israël nous payait seulement les années de fac car on venait d’un pays « riche », la France. Mes parents ne pouvaient pas m’aider financièrement ; je devais bosser. Ce qui a failli me faire abandonner mes études en cours d’année.
Je suis allée voir la directrice du département de la fac de lettres. Je lui ai dit que mon frère me payait le billet de retour pour la France. Que j’aillais rentrer et que je ne reviendrais pas. Elle m’a exhorté à ne rien en faire. Et m’a aussitôt informé que j’avais reçu une bourse au titre d’étudiante d’excellence. Je suis finalement restée en Israël.
Ce sont mes plus belles années ; Je recommande d’ailleurs à tous les jeunes intéressés par l’Alyah de faire leurs études à l’université en Israël.
Les principales difficultés que vous avez rencontrées en Israël ?
- L’aspect financier était le plus délicat à gérer.
- Pour la langue, c’est rapidement allé mieux. En cours, au contact des profs des élèves…
Même lorsque j’ai été enseignante, je recevais un soutien énorme de l’équipe encadrante, des profs. Avec lesquels j’ai gardé le contact jusqu’à ce jour . - Le cocon familial enfin. J’avais de la famille en Israël mais elle ne parvenait pas à combler le manque. Et puis, peu à peu, en faisant l’Alyah, on se crée sa propre famille. Des français, des belges, des américains …. On est toujours en contact trente ans après !

Mon poste au Ministère l’intégration, le Misrad HaKlita ? le bonheur d’accompagner l’Alyah
Votre parcours jusqu’au ministère de l’intégration et de l’Alyah
J’ai travaillé au Mouvement de l’Alyah Francaise, l’ancêtre de la Havaya Israélite et Taglit en tant qu’encadrante. Ce mouvement proposait de faire la connaissance d’Israël au cours d’un séjour de 3 semaines. Je m’y suis investie pendant 10 ans, à l’occasion de mes vacances scolaires de prof.
En parallèle, je travaillais aussi à l’agence juive avec Avi Zana, Di Porto et Jacques Korkos. Je m’occupais des dossiers des Olim.
Puis, j’ai été traductrice, pour la télévision israélienne, au sous titrage des séries israéliennes.
J’ai exercé mille et un jobs, comme le font tous les israéliens. Cela nous permet de rentrer de plein pied dans la vie israélienne.

J’ai enfin été prof pendant 20 ans. Puis, quand on supprimé l’enseignement du français dans mon école, j’ai trouvé un poste dans le tourisme tout en continuant à enseigner le français pour une école privée sur Internet – justement crée par une Ola Hadacha de France.
A cause le l’intifada des couteaux, la boite de tourisme, en crise, s’est délestée de personnel. Et comme j’étais la dernière arrivée…
A l’agence pour l’emploi israélienne, une conseillère – au vu de mon parcours – m’a proposé ce poste au ministère de l’intégration, le fameux Misrad HaKlita. Au départ, en remplacement d’un départ en congé maternité. J’ai passé un 1er entretien, puis un deuxième. Et cela fait 3 ans que je travaille au ministère de l’Alyah et de l’intégration israélien, à accompagner l’Alyah des francophones. Le bonheur !
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