On y est ! Les fêtes de Tichri commencent et cette année ce sera en fanfare avec la version premium : trois jours d’affilée, six repas, dix offices. On en ressortira sans doute lessivé, mais on en a bien besoin pour espérer sortir «blanchi» de nos affaires passées.
On peut dire qu’on est déjà au bout du rouleau…dans tous les sens du terme !
Il est une manie du juif, de rentrer dans cette période des fêtes en flippant et en se questionnant : « Qu’est-ce qui va m’arriver mon Dieu ? Sois sympa, j’ai déconné cette année mais laisse-moi une seconde chance pour la énième année consécutive ! ».
Ce sentiment de rentrer dans une période festive dans la crainte, le poète Jacques Prévert l’avait, en son temps, remarqué en disant : « il faut que justice soit fête ! ».
Il n’empêche que le propos suivant va tenter de donner une définition plus normale de ce que c’est la « Techouva ».
Roch Hachana : définir la Techouva
Aux oubliettes les traductions toutes pourries qui nous font croire que Techouva = repentir et que c’est une démarche de l’Homme qui a fauté vers Dieu afin de recevoir un pardon ! C’est une avarie de la pensée que de réduire cette notion à ce schéma-là. Laissons cela à d’autres croyances!
Au passage, concernant la fête de Roch Hachana, il n’est pas question de « Techouva » ou de demander quoique ce soit à qui que ce soit. Ce sont deux jours où l’on ne fait que proclamer Dieu comme Roi de l’univers et où l’on affirme que seules les valeurs de l’Infini nous incombent.
Certes, Yom Kippour est un jour « redoutable » mais ça reste un jour de fête.
Quant à Souccot et Simha Tora qui clotûrent ce cycle, ce sont des moments de joie intense.
En pratique, comment faire Techouva ?
Nombreux sont celles et ceux qui pensent naïvement qu’il suffit de quelques prières à un Temps X de l’année, de tremper la pomme dans le miel une fois et jeûner quelques jours plus tard pour être acquitté de toute faute.

Le Rav Yoël Bennarouch nous rappelle les propos du Talmud, traité YOMA :
« הָאוֹמֵר: אֶחֱטָא וְאָשׁוּב אֶחֱטָא וְאָשׁוּב, אֵין מַסְפִּיקִין בְּידָוֹ לַעֲשׂוֹת תְּשׁוּבָה »
En d’autres termes, Je vais faire n’importe quoi pendant l’année de toute façon je sais que j’ai Kippour pour me faire pardonner. « C’est malsain» nous précise le Rav. « Il faut être sincère. On sait que nous sommes faibles. Il faut le prendre en compte. Il faut toujours essayer d’être quelqu’un de bien. Etre un homme, une femme, un être, fidèle à de bonnes valeurs ».
Dans ce cas, que signifie le terme « Techouva » et « faute » ? On y arrive enfin…
La Techouva, qui signifie Retour, n’est pas une démarche humaine de l’Homme vers Dieu. Ce n’est pas dire : « si j’ai fauté, j’ai recours à la Techouva ». Le Rav Kook, érudit et visionnaire ayant vécu entre la fin du 19e et le début du 20e siècle, a une toute approche qu’il explique dans son oeuvre majeure, « Orot Hatchouva ».
Techouva, un retour de l’homme ou de D.ieu ?
La Techouva est divine. C’est Dieu qui fait Techouva ( תשוב ״ה ). Lorsque Dieu a créé le monde, il s’agissait avant tout d’une pensée divine qu’Il a extériorisé.
Le Rav et enseignant Yossef Benchouchane apporte à ce propos une comparaison très claire à l’image d’un bébé dans le ventre de sa mère : le bébé murit dans le ventre et un jour il en est expulsé. Il vivait dans un cocon à l’aide du cordon ombilical, et un jour on va le couper de sa Source de vie. Le bébé pleure car il ne sait pas ce qu’il va advenir de lui. La maman va alors l’allaiter, le protéger lui insuffler une nouvelle énergie et le faire grandir.
De la même manière, Dieu s’est séparé de ce monde pour lui donner une autonomie mais il y a un flux de vie qui va descendre dans ce monde. Ce flux, quand il touche quelque chose ou quelqu’un, envoi un mouvement divin qui entraine la progression constante.
La Techouva est donc un mouvement divin de la Source de vie vers ce monde.
Tout ce que ce flux de vie va toucher sur son passage, va progresser : ça peut être une société, une plante, un domaine particulier (sciences, physique, technologies etc).
Quand ce souffle de vie vient « taper » l’individu, cela suscite en lui des pensées d’amélioration et de progression. Ces pensées ne sont pas créées par l’intellect humain mais sont plutôt captées par cet intellect, nous explique le Rav Benchouchane. Et d’ajouter : « là intervient le libre-choix de l’Homme (contrairement à une fleur etc).
On prend en compte ce souffle et donc on crée ainsi une révolution positive ou bien on en fait abstraction ».
Pas besoin de fauter pour faire Techouva
La Techouva n’est pas un processus a posteriori. Pas besoin de fauter pour faire Techouva. Quelque soit notre niveau, il faut toujours progresser. Et ceci n’a pas lieu seulement dans l’aspect religieux. On doit être amener à progresser constamment partout (dans notre morale, dans notre travail, dans notre relation aux autres, dans les domaines où l’on a des difficultés etc).
Le Rav Kook insiste sur le fait que la cause essentielle qui empêche le peuple d’Israël de faire Techouva (par exemple, revenir sur la Terre d’Israël et abandonner les mitsvot et la Tora) est la conception erronée de cette notion.
Il y a plusieurs dimensions de Techouva, de retour :
- spatial,
- temporel,
- moral
- spirituel.
La première des démarches est spatiale. Le retour physique du peuple juif vers Eretz Israël est le début du processus. Nos textes nous le rappellent explicitement à de nombreuses reprises comme dans la paracha Nitsavim (30, 2-3) qu’on a lu une semaine auparavant où il est écrit : « Tu retourneras vers l’Eternel ton Dieu (…) Alors
l’Eternel ton Dieu reviendra avec tes captifs et te rassemblera à nouveau d’entre tous les peuples parmi lesquels l’Eternel ton Dieu t’aura dispersé ».
Une référence parmi d’autres qui évoque clairement un retour sur la Terre que Dieu a donné au peuple d’Israël. Et ceci dans le but de remettre l’honneur de Dieu sur cette terre.
C’est un processus long mais qui ne s’arrêtera pas. Il est sans cesse dynamique et en mouvement. Le Rav Kook est clair : si l’on veut ramener le peuple vers la Torah et les Mitsvot, la stratégie est de commencer à éveiller un élan et un esprit nationaliste basés sur l’amour du prochain et de tous les composants du peuple.

Nous ajouterons que lorsqu’on est coincé dans des conceptions individuelles de religiosité de bas de gamme, on n’a pas les capacités de s’élever au grand niveau du peuple d’Israël.
La Techouva est un retour dans tous les sens du terme donc. Dans toutes les dimensions. L’Homme doit pouvoir faire descendre les valeurs du divin dans ce monde fini. « Fauter » signifie donc faillir à son rôle de canal nous explique le Rav Yoël Bennarouch.
En hébreu la faute se dit « חט », une déviation. Comme pour dire : j’ai raté ma cible. N’est pas Guillaume Tell qui veut ! D’ailleurs, y aurait-il un lien avec la pomme que l’on mange à Roch Hachana ? 😉
En vous souhaitant une belle et douce année avec son lot de bénédictions ! Mollo sur le sucre et le miel quand même ! Chana tova !
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