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Eliette Abécassis : “Je pense sincèrement m’installer en Israël. La question n’est plus «si» je veux faire l’alyah, mais «quand»”

Ce témoignage est celui d’un écrivain de réputation mondiale (2) qui a écrit une vingtaine d’ouvrages, le plus souvent sous la forme de romans avec un “bonheur d’écriture” (3), mais dont le contenu interpelle et donne à réfléchir ; ces “romans” résultent d’une réflexion originale, enrichie et approfondie par la recherche méthodique; beaucoup de ses ouvrages concernent le judaïsme.

Avec son dernier livre “Alyah “, elle justifie “la tentation du départ” des Juifs de France et l’actualité de l’Alyah. Il s’agit d’une position courageuse à contre-courant de “l’establishment intellectuel” de France.

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Venez rejoindre le groupe Facebook, autour de mon roman, Alyah. https://www.facebook.com/groups/852973998090473/

Ezra(4):Merci Eliette d’avoir accepté de répondre à nos questions suite à la publication de votre livre “Alyah”. Pourriez-vous tout d’abord vous présenter?

Eliette Abécassis: Je suis un écrivain français, juive d’origine sépharade et fière de mes identités multiples.

Ezra: Parlez-nous de votre jeunesse à Strasbourg au parc de Contades situé en face de la synagogue et non loin de l’école Aquiba, ou vous avez étudié, dans le cadre d’une famille “fidèlement ancrée dans son identité juive” (5); vous avez eu deux parents super-instruits, intellectuels, enseignants et écrivains. Est-ce que cet environnement stimulant et exceptionnel a constitué pour vous un atout pour partir à la conquête des diplômes (Normale Sup, Agrégation et Cambridge aux Etats Unis), puis à la conquête du monde de l’écrit et de la “magie du verbe”?

Eliette Abécassis: J’ai grandi dans une famille d’universitaires, en philosophie et en psychologie, qui m’ont transmis l’amour de la pensée et de la littérature. Mon père qui est l’un des plus grands penseurs actuels du judaïsme m’a transmis un fabuleux trésor, d’une richesse infinie, et l’amour de notre peuple.

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Armand le père est un penseur /commentateur du judaïsme-Janine la mère est psychanalyste spécialisée dans l’enfance.

Ezra: Dans une de vos interviews vous évoquez l’épreuve qu’a représentée la migration du Maroc à la France de vos parents. S’agissait-il de problèmes exclusivement de transition/adaptation ?

Les propos de votre père “Quand je suis arrivé à Strasbourg, en 1960,(à 27 ans), deux choses m’ont mis en colère dans la cathédrale; la cloche de 10 heures, qui continue à sonner en rappelant l’ancienne obligation faite aux juifs de quitter la ville le soir, et la statue La synagogue vaincue, tête baissée, les yeux bandés, avec son sceptre cassé”. Peut-être que cette épreuve résultait aussi de la prise de conscience que dans cette migration vos parents passaient d’une société hostile aux juifs à une autre, elle aussi, tout autant hostile mais autrement. Qu’en pensez-vous?

Eliette Abécassis:…..C’est compliqué, comme toutes les diasporas. Il y a une relation très forte, entre les juifs et la France. Il y a des traces de la présence juiveen France qui datent de l’an 70. Personne n’est plus français qu’un juif. Ici nous avons les plus grands maîtres de le pensée juive, depuis Rachi(6) jusqu’à Jacob Gordin(7), Léon Ashkénazi(8), Emmanuel Lévinas(9). Ici est née la Cabbale (10) dans le village de Parquières. Ici les Justes ont sauvé des juifs et ici aussi les parents ont été déportés avec les enfants.

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Ezra: Vous vous êtes intéressée à vos racines sépharades remontant d’abord au Maroc où vivaient les familles de vos parents puis en Espagne d’où vos ancêtres ont été persécutés et expulsés par les conquérants chrétiens ; vous avez écrit un roman érudit sur ce thème” SEPHARADE” (http://www.babelio.com/livres/Abecassis-Sepharade/265047). Les persécutions en Espagne constituent une des plus grandes tragédies causées par les Européens au monde juif en Europe. Faites-vous un rapprochement avec la situation actuelle en France?

Eliette Abécassis: Oui, ce rapprochement est plus frappant que celui que l’on fait avec les années Trente. Les juifs étaient conseillers à la cour du roi, ils étaienttrès bienintégrés, et soudain, il y a eu au départ un soulèvement populaire, musulman puis chrétien contre les juifs qui a évolué vers l’expulsion et le marranisme pour ceux qui restaient.

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Ezra: Votre intérêt pour le monde sépharade s’est élargi à la musique. Vous avez en particulier écrit les paroles de la chanson SEPHARADE que chante Enrico MACIAS. Pourriez-vous nous dire ce qu’évoque pour vous cette culture musicale si étrangère au monde culturel français.

Eliette Abécassis: J’ai beaucoup aimé écrire cette chanson pour Enrico. Aujourd’hui des groupes comme Debout sur le zinc (11), groupe de rock français mélangent toutes sortes d’influences, y compris le klezmer ou l’oriental avec la chanson française.

Ezra: Depuis la publication de votre texte émouvant “il y a quelques années,…” vous avez exprimé à plusieurs reprises l’anxiété puis l’angoisse face à l’évolution de la situation des juifs en France comme par exemple dans l’interview donnée à Elias Levy du Canadian Jewish News avec la parution en 2014 de ” Un secret du docteur Freud” http://www.cjnews.com/canada/une-entrevue-avec-la-romanci%C3%A8re-%C3%A9liette-ab%C3%A9cassis

Je ne peux pas m’empêcher de penser à ce moment très bouleversant dans la vie de Freud parce que je crois sincèrement que les Juifs de France sont aujourd’hui au seuil du moment fatal où on envisage très concrètement de quitter son pays natal parce que l’ambiance est devenue trop nauséabonde. Quand on entend crier “mort aux Juifs” dans les rues de Paris, soit on prend les armes puis on se bat, que ce soient des armes intellectuelles ou des armes physiques, puisqu’il s’agit maintenant pour les Juifs de se défendre physiquement, ou alors on prend la grave décision de quitter la France.” –

Pensez-vous que la dynamique des événements concernant la France risque d’accélérer ce processus “nauséabond”?

Eliette Abécassis: Pour l’instant, le gouvernement s’est ressaisi. Les mesures prises par le gouvernement en janvier, après les attentats, le discours fort et sincère de Manuel Valls, dans lequel il disait à juste titre que « La France sans les juifs ne sera plus la France », peuvent rassurer la communauté et l’inciter à rester dans son pays. Cependant combien de temps peut-on vivre en étant protégés par des militaires, et surtout combien de temps resteront-ils et que se passera-t-il lorsqu’ils partiront ?

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Ezra: Votre père fait le parallèle entre le retour de Jacob/Israël à sa terre après 20 ans d’exil et celui du peuple juif en Israël depuis 1948 après 2000 ans d’exil (http://www.akadem.org/sommaire/paracha/5770/parachat-hachavoua-5770/vayichla-h-troublante-actualite-de-la-tora-19-11-2009-7938_4309.php)

Suivant ce commentaire :”les juifs en France comme d’ailleurs hors d’Israël, sont en terre d’exil, leur “défaut/faiblesse ” est qu’ils tardent à rentrer en Israël, les persécutions des peuples du monde sont autant de signes divins afin qu’ils décident enfin, sans plus tarder, de rompre l’exil et de monter en Israël.

En partant de cette idée, l’angoisse/anxiété que vous exprimez concernant votre avenir en France, celui de vos enfants et celui du peuple juif, est justifiée.

Mais, permettez-nous d’observer que “songer à la ‘Alyah “sans passer au stade suivant qui consiste à l’organiser concrètement, pourrait accroître cette angoisse éprouvante au fur et à mesure que vous allez décoder de nouvelles formes de l’hostilité jamais encore soupçonnées de la culture française envers le peuple juif et de la dynamique de la situation dans laquelle, les juifs sont la cible vulnérable de la France pour les djihadistes français. Ne pensez-vous pas que pour dépasser/résorber cette angoisse la solution consiste à organiser concrètement votre alyah?

Eliette Abécassis: Oui aujourd’hui, à la différence des années Trente, nous avons un pays, qui existe et qui est là pour nous. Et nous pouvons penser à partir, même si cette idée nous déchire le cœur, car c’est toujours triste de quitter son pays, même si c’est pour un horizon aussi merveilleux qu’Israël.

Ezra: Je comprends que vous avez deux enfants de 8 et 10 ans? Dans quel type d’école les avez-vous inscrits? Ont-ils été agressés en tant qu’enfants juifs? Avez-vous évoqué avec eux la “Alyah”? Si oui qu’en pensent-ils?

Eliette Abécassis : Mes enfants sont dans un collège formidable, le collège Alliance ENIO (12) qui vient d’être créé l’an dernier. C’est un collège où j’enseigne également, j’y fais un atelier d’écriture, cette année nous avons écrit une pièce sur Qumran les manuscrits de la mer Morte, que les élèves ont jouée à la fin de l’année.

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Ezra: Avez-vousdes parents / amis en Israël ? Entretenez-vous des relations fréquentes avec eux? Est-ce que vos enfants ont des parents / amis en Israël? Venez-vous ensemble souvent ?

Eliette Abécassis: Je vais très souvent en Israël, pour me ressourcer et j’y reviens toujours pleine d’énergie, tant c’est un pays jeune et rempli de dynamisme, de folie, d’envie de faire la fête et de prier à la fois.

Ezra: Quel est votre niveau de maîtrise de l’hébreu ? Tenir une conversation /lire couramment un texte/ écrire correctement une lettre/ rédiger un texte littéraire / penser en hébreu?

Eliette Abécassis: Je travaille mon hébreu avec un professeur depuis plusieurs années. C’est une langue fascinante.

Ezra: Un grand merci, chère Eliette, pour avoir répondu à toutes nos questions.

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